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extrait de mon dernier livre : une nouvelle entière de mon recueil paru le 11 mai dernier

Publié le par Lara Lee Lou Ka

extrait de mon dernier livre : une nouvelle entière de mon recueil paru le 11 mai dernier

Voici une des 31 nouvelles de ce recueil :

 

Au fond du jardin

 

Encore ce grincement...Elysha se leva d’un bond de son lit. Toute envie de dormir avait disparu. Un énorme craquement suivi d’un autre bruit tout aussi sinistre déchira le silence de la nuit. Des lumières vives jaillirent brusquement aveuglant la jeune femme qui était en train de nouer ses longs cheveux bruns avec un élastique trouvé sur sa table de chevet. Elysha sentait la colère lui monter au nez. Depuis qu’elle avait rompu avec Rick, son petit ami, des choses étranges arrivaient en pleine nuit. Elle soupçonnait son ex d’être à l’origine du canular. Pour se venger d’avoir été largué, cet idiot était capable des pires bêtises comme des plus romantiques. Entre lui crever les pneus de sa voiture et repeindre en bleu tous ses nains de jardin, il lui déposait également une gerbe de lys, ses fleurs préférées, chaque nuit depuis leur séparation.

L’effroyable grincement recommença. Elysha serra les poings. Heureusement que ses plus proches voisins étaient assez loin pour ne pas entendre ce capharnaüm ! Les lumières vives disparurent aussi rapidement qu’elles étaient apparues et le silence retomba sur ce coin de campagne. Frissonnant, la jeune femme enfila un déshabillé de satin vert qui soulignait tant le jade de ses yeux que sa silhouette aux longues jambes parfaites. Elle sortit de la maison et s’installa sur le perron. La nuit était douce et l’absence de la lune faisait régner une pénombre épaisse. Elysha but une infusion de valériane, confortablement installée sur la balancelle que lui avait offerte son père pour son dernier anniversaire. Les yeux papillotants de sommeil, elle retourna se coucher en espérant que les bizarreries de la nuit étaient terminées.

Au petit matin, la jeune femme découvrit avec colère que son magnifique potager, qu’elle entretenait avec amour, avait été saccagé. Tous les légumes avaient été arrachés de terre. Mais le plus étonnant, elle le découvrit en s’approchant du lieu du délit : un gros trou avait été creusé en plein milieu de son potager. Le côté étrange de la chose était qu’il n’y avait aucun monticule de terre à côté de l’excavation, comme si l’indélicat farceur avait poussé la plaisanterie jusqu’à remporter la terre avec lui.

« Rick a dû embobiner ses potes pour qu’ils lui prêtent main-forte dans sa vengeance » songea la jeune femme en soupirant. Se saisissant d’une pelle et d’une brouette, elle passa plusieurs heures à reboucher la cavité. Elle y versa tout le sable et le gravier qu’elle avait fait livrer peu de temps auparavant pour réaliser une belle allée. Elle trouva étrange que ce trou, peu profond en apparence, engloutisse tout ce qu’elle projetait à l’intérieur. Elle termina le travail par quelques centimètres de terre grasse afin de pouvoir faire à nouveau pousser des légumes à cet endroit.

A la fin de la journée, fourbue d’avoir pelleté et charrié autant de terre et de cailloux, la jeune femme fulminait contre son ex. Il allait lui payer cette forfanterie !

Harassée par le terrassement imprévu, Elysha se coucha tôt et s’endormit rapidement malgré son corps endolori.

Il était deux heures du matin quand la jeune femme fut réveillée en sursaut par le même grincement que la nuit précédente. Sur le coup, elle pensa avoir rêvé, influencée par sa journée difficile de la veille. Mais le bruit reprit avec plus de force. Quand les lumières vives éblouirent le jardin de mille feux, passant même à travers les rideaux occultant de la chambre de la jeune femme, celle-ci sut qu’elle ne rêvait pas. Elle se leva calmement. Pas question que cet idiot réussisse à lui faire peur avec ses blagues de collégien. Soulevant les lourds pans de tissus sombres, elle jeta un coup d’œil par la fenêtre et, malgré les lumières éblouissantes, elle crut voir que son beau jardin était devenu aussi aride qu’un sol lunaire avec de multiples cratères ici et là. La jeune femme se morigéna «  reste calme, ma fille, se dit-elle, ce n’est rien qu’une blague. Ton jardin n’est pas devenu un désert lunaire et tu ne vois pas de cosmonaute passer devant ta fenêtre... »

Un cosmonaute ?

Interloquée plus qu’apeurée, Elysha se rua au-dehors. A peine eut-elle franchi le seuil de la porte d’entrée que les lumières vives disparurent et la pénombre envahit à nouveau le terrain. Allumant la lanterne du porche, la jeune femme maugréa car la nuit était trop noire pour voir quoi que ce soit.

Mais aux petites lueurs du matin, elle trépigna de rage : au fond de son jardin, le trou était à nouveau béant, encore plus large et plus profond que la veille. Elle envoya un SMS à son ex qui, surpris du langage vulgaire employée par la jeune femme, lui téléphona dans l’instant.

Elysha, gémit-il, je te jure sur ce que j’ai de plus cher que je n’y suis pour rien !

Excédée, cette dernière lui raccrocha au nez sans dire un seul mot.

De nouveau, elle combla le trou avec tout ce qu’elle put trouver aux alentours : pierres, glaise, terre, sable...

Le manège durait depuis une semaine. Chaque nuit, des bruits étranges accompagnés d’une vive lumière réveillaient Elysha. Chaque matin elle découvrait un trou encore plus grand au fond de son jardin.

Ce soir-là, la jeune femme se coucha un sourire aux lèvres. Rick et ses potes allaient en baver pour creuser le trou, car elle avait demandé à son père d’y couler du ciment.

Mais l’étrange cavité réapparut quand même. Encore plus large et plus profonde que la précédente. Au bout de quinze jours, le trou était devenu un précipice au bord duquel la maison d’Elysha semblait prête à s’effondrer. Inquiet, le père de la jeune femme lui avait enjoint de venir vivre auprès de lui, le temps que cesse cette plaisanterie. Le shériff du comté s’en était mêlé et surveillait étroitement Rick et ses copains.

Cette nuit-là fut calme et sereine. Aucun bruit étrange ni aucune lumière vive ne vinrent réveiller la jeune femme. Elysha se leva de bonne humeur et sortit avec précipitation. Elle n’eut pas le temps de se rendre compte que le ravin avait gangrené le porche de sa maison. Elle tomba comme une masse dans ce qui avait été, au début, qu’un simple trou.

Quand le père d’Elysha arriva une heure plus tard pour déménager sa fille, il trouva la maison vide. Le précipice avait disparu et le jardin était à nouveau fleuri. Elysha seule avait disparu.


 

A cinq mille kilomètres de là, un autre trou venait de s’ouvrir au milieu d’une roseraie chez un charmant couple de retraités.


Lara Lee Lou Ka ( extrait du recueil "le goûter d'anniversaire et autres récits peu ordinaires")

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