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Extrait de l'anneau d'Alana de Lara Lee Lou Ka

Publié le par Lara Lee Lou Ka

Extrait de l'anneau d'Alana de Lara Lee Lou Ka

Ils avaient quitté la grotte depuis plusieurs heures. Ils marchaient dans un immense champ de fleurs qui ne semblait pas avoir de fin. Des herbes folles leur chatouillaient les chevilles et les sabots. D’un commun accord, les bagages avaient été disposés sur le dos des simpalidis et de Titan. Alana et les deux garçons avaient entamé cette aventure comme une simple randonnée pédestre. Ne sachant pas quelle direction prendre, ils erraient au hasard. Heureux de cette liberté toute neuve, la fillette et ses amis ne prirent pas garde au chemin qu’ils empruntaient. D’ailleurs, y-avait-il vraiment un sentier qui menait quelque part ?

 

Où que se posaient leurs yeux, ils ne voyaient que l’étendue infinie, verte et fleurie. Quelques arbustes poussaient ici et là, mais ils étaient si petits qu’ils n’apportaient qu’une ombre ridicule sur le sol. Le soleil réchauffait le vent joyeux qui soulevait les longs cheveux de l’enfant et la crinière des montures. Scrutant le ciel, Alana découvrit avec stupeur qu’il n’y avait pas un mais trois astres solaires. Ils gravitaient les uns autour des autres, mélangeant leurs couleurs, jaune, rouge et orangé. Le ciel n’était pas bleu comme l’étaient toutes les voûtes célestes. Il reflétait un mélange de rose et de bleu nacré qui était ravissant à l’œil de l’enfant. Quel était ce monde où tout semblait si merveilleux, si coloré et si fleuri ?

 

Et que dire de toutes les fragrances qui embaumaient l’atmosphère ? Même en se concentrant, la fillette n’arrivait pas à les déterminer. Il lui vint aux narines un parfum de tarte de kimkim, qui se changea aussitôt en une odeur de sapineux puis devint l’instant d’après le doux arôme de cette crème qu’elle aimait tant et que sa mère brûlait à chaque fois qu’elle essayait d’en cuisiner. Subitement, la tristesse envahit la petite fille. Ce rappel à sa mère lui serra le cœur. Pourquoi était-elle partie sans lui en parler ? Oryann allait être furieuse contre elle ! Elle n’avait jamais autant désobéi à ses parents.

 

- À quoi penses-tu, petite fée, lui demanda Timmin qui arrivait à sa hauteur.
 

- À ma mère, lui répondit-elle d’une voix enrouée par l’émotion. Je ne suis jamais partie loin de mes parents. Je crois qu’ils me manquent déjà !

-Ce n’est que pour quelques jours, tenta-t-il de la rassurer. Et puis, tu n’es pas seule !

-Je sais, murmura-t-elle.

-Regarde Merlin, lui dit-il encore en lui montrant son frère qui se roulait dans les herbes folles, il se conduit comme un grand gamin ! Mais il a raison ! Il s’amuse comme si demain ne devait pas exister ! Faisons comme lui ! Viens faire des roulades dans les fleurs et les feuilles !


Prenant la main délicate d’Alana dans sa grande main aux longs doigts fins, Timmin l’emmena courir jusqu’à perdre haleine pour finir par un concours de roulades avec son frère. Son insouciance retrouvée, la petite fille se mit à rire jusqu’aux larmes, au grand bonheur des deux garçons. Non loin d’eux, les deux simpalidis et leur cousin broutaient l’herbe odorante.
 
Ils s’arrêtèrent pour manger quelques galettes qu’ils avaient emportées. Assis à même le sol, ils grignotaient silencieusement leur maigre repas en contemplant le ciel aux couleurs changeantes.
 

-Ce champ est infini, soupira Alana. Quand va-t-on en voir le bout ?

-Jamais, si nous restons à nous lamenter, sans bouger de là, répondit philosophiquement Merlin.

-Mais quelle direction prendre ? questionna la fillette. Tout se ressemble dans ce paysage ! Allons-nous tout droit ou bien bifurquons-nous à gauche ? À moins de revenir sur nos pas…

-Tu veux déjà quitter l’aventure ? se moqua Merlin. Tu veux retourner la tête basse chez tes parents et leur expliquer pourquoi tu les as enfermés dans leur chambre avant de t’enfuir ? L’histoire de la chanson qui t’appelle les fera sûrement se tordre de rire !
 

-Tu n’es pas obligé d’être aussi méchant, le bouscula son frère. Elle est si jeune ! Il est normal qu’elle doute !

-Timmin, le défenseur des faibles et des petits ! railla l’adolescent qui lui donna un coup de bâton dans le derrière.


Rouge de colère, le rouquin le faucha d’un simple coup de pied. Inévitablement, une rixe se déclencha entre les deux frères. De force égale, ils reçurent autant de coups qu’ils en évitèrent. La hargne de Timmin s’opposait à l’attitude moqueuse de Merlin. En peu de temps, les deux garçons s’essoufflèrent et finirent assis par terre, pliés de rire. Leur complicité finissait toujours par souffler sur leurs différends. Jamais ils ne restaient fâchés. Soulagée de voir la bagarre dégénérer en fous rires, Alana cueillit une fleur et la posa sur son oreille. La corolle rosée mettait en valeur ses longs cheveux bruns et ses yeux violets.
 
Ils musardèrent tout l’après-midi dans le grand champ fleuri. Le soir tomba brutalement lorsque les trois soleils se cachèrent pour faire place à leurs compères lunaires. Par trois les lunes se montrèrent. De couleur blanche, saupoudrée de nacre et de rose pâle, les trois satellites se tenaient au garde-à-vous l’un à côté de l’autre, dans un alignement bien droit.
 
Les yeux d’Alana papillotèrent et l’enfant bailla à se décrocher la mâchoire. Toujours à l’écoute du bien-être de la fillette, Timmin déclara qu’il en avait marre de marcher. Désossant un arbuste de ses branches, Merlin fit un feu de bois, sans quémander l’aide de Titan. Le Grand Mage connaissait encore quelques sorts qu’il maîtrisait sans problème. La flammèche était minuscule entre ses doigts mais elle grandit très vite grâce au bois sec avec lequel il alimentait le petit foyer.
 

Timmin sortit la tente loutrine et Alana lui montra comment l’ouvrir. L’adolescent en avait déjà vu, il y a longtemps, lors de l’expédition contre Tanaël en Amazonia. Il écarquilla tout de même de grands yeux quand il vit le chapiteau se dresser sur ses tiges de métal et se recouvrir seul de ses peaux tannées. Ils auraient un bon abri pour dormir cette nuit mais était-ce raisonnable de ne pas monter la garde ? Ils étaient en pays inconnu et ils pouvaient à tout moment se faire agresser par des peuplades indigènes ou des animaux sauvages ! Courageux, Timmin proposa des tours de garde entre lui et son frère. Merlin grommela quelques jurons mais accepta tout de même.
 

-Allez dormir les garçons, leur dit Titan. Je veillerai sur votre sommeil. J’ai la chance de ne pas être fatigué par notre voyage. Et si je sens que mes paupières deviennent lourdes, je réveillerai mes cousines ! En cas de danger, je vous préviendrais !


Trop exténués pour discuter, les trois amis s’installèrent dans la tente loutrine avec les fourrures que Merlin avait empruntées dans la cabane de Berka. À peine leurs têtes frôlèrent-elles les douces toisons qu’ils partirent au pays des rêves.

 

Lara Lee Lou Ka

 

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