Extrait du bâton de Merlin ( les enfants de Sheendara 2)
Ils arrivèrent dans le village du Père Noël sous une pluie floconneuse. Tourbillonnant gracieusement sur le toit de jolies maisonnettes, la neige donnait un air féerique à la plus charmante cité que les voyageurs eussent jamais traversée.
Regroupées autour d’un haut sapin décoré de boules et de guirlandes, une vingtaine de chaumines formaient un cercle parfait. Elles avaient toutes des volets et des portes peints en rouge. Des fleurs de froid poussaient sur le pas de leur porte. Les corolles blanches et or des plantes jaillissaient ça et là du sol glacé pour ravir le regard des passants.
Toutes les fenêtres étaient illuminées, ainsi que les ruelles qui serpentaient autour des maisons. Des lampadaires éclairaient les rues pavées et des bancs étaient disséminés, ici ou là. Une douce et joyeuse musique s’égrenait dans l’atmosphère et une bonne odeur de vin chaud et de pain d’épices chatouilla les narines des deux garçons qui en salivèrent d’avance.
Leur hôte gara son traîneau le long d’une chaumière imposante qui se trouvait un peu à l’écart du village.
— C’est à cette heure-ci que tu rentres, chenapan ! s’exclama une voix mélodieuse en riant.
Une petite bonne femme rondelette aux joues, aussi rondes que celles de Noël et aux yeux malicieux, se tenait sur le seuil de la maison, les mains sur ses hanches grassouillettes. Quand il arriva à sa hauteur, elle le serra vivement dans ses bras et lui plaqua un bon gros baiser sur les lèvres. Elle avait les cheveux roux et des taches de son sur son petit nez retroussé. Hank la trouva fort avenante pour une femme qui ne devait pas être loin de la vieillesse. Vêtue d’une robe rouge et d’un tablier blanc, elle portait de délicates bottines de vair aussi immaculées que les flocons qui voltigeaient autour de son visage en accrochant follement des gouttes glacées dans ses boucles de flammes.
— Je vous présente mon épouse, dit le Père Noël avec un sourire satisfait. Je t’ai ramené des invités pour le repas de ce soir, ajouta-t-il à l’intention de la petite femme, ils ont hâte de découvrir tes talents culinaires !
— Mes hommages, Madame Noël, murmura galamment le forban en s’inclinant pour déposer un chaste baiser sur la petite main potelée de son hôtesse. Votre mari avait omis de préciser combien votre tournure était un régal pour les yeux !
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Rosissant de plaisir sous le compliment, elle les invita à entrer dans son humble demeure afin de déguster quelques gâteaux qu’elle venait de sortir du four.
— Je voudrais leur faire visiter les ateliers avant le dîner, précisa le Père Noël. Buvons le verre de l’amitié et de la chaleur du foyer retrouvé avant d’aller rendre visite à mes lutins !
Les voyageurs entrèrent dans une grande salle où trônait une immense cheminée. Un feu aux flammes vives brûlait dans l’âtre. Le crépitement du bois et la douce fragrance sylvestre qu’il dégageait donnaient à la pièce une ambiance de bien-être. La salle de séjour était à l’image même de ses occupants : chaleureuse et agréable. De gros fauteuils rembourrés se serraient sur un côté de la cheminée alors qu’une longue table, entourée de bancs et de tabourets, occupait l’autre partie de la pièce. Un épais et moelleux tapis était étalé devant la cheminée, invite suprême à s’allonger pour dormir à la chaleur du feu qui grésillait.
La Mère Noël leur servit du chocolat chaud dans des timbales dorées et des petits gâteaux en forme de bonhomme qui sentait bon les épices. Se délectant des saveurs inconnues, Alana dégusta doucement la petite pâtisserie en sirotant l’épais breuvage. Affamés, les garçons dévorèrent le plateau entier de friandises et burent trois tasses de chocolat chaud chacun. L’adolescence les affamait constamment et ils restaient aussi maigres que des animaux faméliques !
Prévoyante, leur hôtesse rapporta une deuxième tournée de pains d’épices en prenant soin de servir en premier Hank et son mari qui n’avaient pas eu le temps d’en avaler un seul à cause de la gloutonnerie des deux frères. Titan et Bisbi n’avaient pas été oubliés par la femme du Père Noël et eurent leur ration de gourmandises. Repus, les visiteurs se seraient bien assoupis devant l’agréable chaleur que dégageait l’âtre, mais le gros homme avait des amis à leur présenter !
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— Allons, mes enfants, les pressa-t-il gentiment. Laissons ma tendre moitié préparer le dîner pendant que je vous fais visiter mes ateliers. Chaque lutin ou elfe nain qui vit dans ce village a une tâche bien précise chaque nuit. En ce moment, ils préparent la tournée que je dois effectuer demain dans la soirée. Le monde où je vais distribuer les jouets s’appelle la Terre.
— Quel drôle de nom pour un monde, bougonna Titan qui traînait la patte. Pourquoi donner le nom du sol ou de l’humus qui le compose ? Ce n’est pas un nom, ça ! Terre ! Et pourquoi pas Air ? Ou Eau ? Ou Arbre ? Ou…
— La Terre est un monde peuplé d’humains, précisa le Père Noël en coupant la parole au simpalagron qui continua de délirer avec Bisbi sur les possibles noms idiots que les habitants de ce monde auraient pu lui donner. Les hommes vivent dans une paix relative, tout au moins tant qu’un conflit n’éclate pas entre deux factions pour un morceau de terrain.
— Les Dieux peuvent-ils agir dans ce monde-là ? l’interrogea Alana.
— Probablement, admit le gros homme vêtu de rouge, mais je crains que les Farlanes infiltrent régulièrement l’esprit de certains dirigeants pour déclencher des guerres ou des querelles politiques ! Les hommes ne sont pas toujours à l’écoute des Dieux. Il faut également souligner qu’ils ont des croyances tellement diverses qu’ils ne s’adressent pas aux divinités d’une seule voix. Ils n’ont jamais pu admettre que les Dieux étaient universels. Bien qu’on les appelle d’une manière ou d’une autre, ce sont toujours les mêmes. Mais les fils de Dame Nature sont assez intelligents pour répondre à toutes les dénominations dont on peut les affubler !
Tout en devisant, ils arrivèrent devant une jolie cabane de bardeaux peinte en rouge et vert. Le Père Noël toqua une seule fois sur le battant de la porte et l’ouvrit en habitué des lieux. Une créature plus petite que le plus minuscule des nains d’Eldora était occupée à fabriquer un œuf énorme où dormait une petite bestiole qui semblait vivante. Habillé entièrement de vert, le lutin avait un nez et des oreilles pointues. Son sourire était franc et amical. Il salua chaleureusement les visiteurs en secouant gracieusement sa tête recouverte d’un bonnet muni de grelots qui tintèrent.
— Voici Finn, dit le Père Noël, il est si habile de ses mains pour réaliser un animal qui n’en est pas vraiment un que je lui ai confié ce travail. Chaque ouvrier s’occupe de plusieurs demandes…
— Quelles demandes ? le questionna Alana qui écoutait d’un air intéressé les explications de son hôte d’un soir.
— Tous les enfants de tous les mondes m’écrivent pour me dire ce qu’ils souhaitent comme présents, développa celui-ci. Par exemple, en ce qui concerne Finn, il doit traiter la lettre de Baptiste, un jeune garçonnet de huit ans qui aimerait recevoir un œuf de dinosaure grandeur nature. Comme cet enfant a une jauge d’obéissance et de gentillesse supérieure à la moyenne, son cadeau sera encore plus beau que ce qu’il a demandé. L’œuf contiendra un bébé dinosaure qui sortira de la coquille quelques heures après avoir été livré. Baptiste pourra ainsi jouer avec un faux dinosaure animé par un procédé magique que je ne peux vous expliquer.
— C’est quoi un disaunore ? l’interrogea Titan en écorchant involontairement le mot qu’il ne connaissait pas.
— C’est un animal qui existait sur Terre il y a des milliers d’années terrestres, lui répondit patiemment le Père Noël. Ils ont tous disparu mais les enfants terriens ont toujours une grande fascination pour ces grosses bêtes. J’ai reçu des dizaines de milliers de demandes pour les dinosaures et toutes les bestioles qui vivaient à la même époque !
Un grand fracas vint interrompre les explications. Armés de sabres-laser, les deux frères s’étaient lancés dans un combat qui n’avait rien de fraternel. Leurs hormones devaient littéralement bouillir pour qu’ils se comportent ainsi. Le simili laser rouge rencontra le bleu dans un bruit extraordinaire qui se répercuta dans tout l’atelier.
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Appuyant par mégarde sur un bouton situé sur le manche de son sabre-laser, Merlin entendit une voix venir de l’arme : « Luke, je suis ton Père ! ». Terrifié par cette magie inconnue, il lâcha le jouet qui s’écrasa sur le sol en plusieurs morceaux. Timmin éclata de rire mais il s’étrangla presque en entendant son arme dire d’une voix caverneuse «La Force est avec toi ! » et son jouet vint également se briser à ses pieds.
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Perplexes, les adolescents touchèrent les restes fracassés du bout des doigts. Furieux, Hank s’apprêtait à les traiter de tous les noms d’oiseaux
qu’il connaissait mais il fut pris de vitesse par le lutin en colère. Grimpant sur des échasses de bois sculpté pour se mettre à la hauteur des garçons, Finn se saisit des deux frères par les oreilles en les houspillant de sa petite voix fluette. Ils venaient de réduire à néant tout le travail de sa nuit !
Vexé, Finn demanda au Père Noël de lui laisser les deux adolescents pour qu’ils l’aident à réparer les dégâts qu’ils avaient commis. Hank approuva. Aucune punition ne serait mieux que de mettre la main à la pâte pour rafistoler les dommages qu’ils avaient causés par leur inconscience.
— Je te les laisse jusqu’à l’heure du repas, grogna le Père Noël. Nous allons continuer la visite sans eux. Ce sera moins dangereux pour les autres ateliers !
Lara Lee Lou Ka - le bâton de Merlin (tome 2 des Enfants de Sheendara pages 66 à 72) avec les dessins du Monde de Lam.
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Lara Lee Lou Ka est née en Anjou. Passionnée d'Histoire et de Fantasy, elle dévore, dès son plus jeune âge, tous les ouvrages se rapportant au monde de la magie et du merveilleux. Admiratrice ...
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